Il faut dire qu’elle virevolte, cette Volte ! Roman d’action, d’évènements autant que de réflexion, La Zone du Dehors ne laisse pas indifférent. Alain Damasio nous entraine subtilement vers un monde futur où nous allons peut-être échouer. Cerclon I, société idéale fondée sur l’aisance de vivre : une ville où tout a été pensé pour que les citoyens n’aient plus à se soucier de rien, qu’ils puissent passivement vivre leurs vies, quotidiennement bercés par les publicités et les recommandations bienveillantes de leur gouvernement si démocratiquement choisi. Un classement mutuel leur permet d’obtenir leur juste place dans la société, de voir celle-ci ajustée selon leur mérites. Un avenir merveilleux ?

Captp, Slift, Kamio, Obffs et Brihx ne sont pas de cet avis. A eux cinq, ils forment le cœur, le « Bosquet » de la Volte, groupuscule révolutionnaire d’un nouveau genre, où la vitalité est le maître-mot. Détruire cette démocratie factice, énerver les consciences à coups d’actions choc, réveiller les aliénés, voilà les missions qu’ils se sont fixé. Ils sont prêts à tout, ou presque, pour y parvenir, et saisissent toutes les occasions.

Ce roman est une explosion de réflexions sur notre monde actuel, il joue sur des antagonismes que nous n’avons toujours pas réussi à élucider, dans nos belles démocraties occidentales. Comment faire coïncider démocratie et liberté ? Où se trouve la limite entre révolution et terrorisme ? La fin justifie-t-elle toujours les moyens ? Le capitalisme a-t-il perverti toute politique ? Questionnements sans fin qui ne cessent de nous assaillir à chaque page, à tel point qu’il est difficile de trancher. Dans le roman, qui défend finalement le bien commun ? Captp, leader de la Volte et auteur d’actes pour le moins répréhensibles ? Ou « A », Président de Cerclon I, prêt à tout pour sauver la quiétude des habitants, même si totalement désillusionné par le système dont il est la tête ?

La plume d’Alain Damasio fait osciller le récit entre poésie et prose, tâte les limites de la langue française et détourne les mots pour mieux les tourner. On admire les envolées lyriques de ses personnages et les dialogues fouillés, on se prend au jeu des personnalités des uns et des autres.

Je reste cependant légèrement sceptique sur la fin, sur Anarkhia, Virevolte et autres Dehors – ceux qui l’ont lu comprendront. Rome ne s’est pas faite en un jour, et pourtant il semblerait qu’Anarkhia si. Légèrement tirée par les cheveux, cette fin rapide et efficace noie un peu le plaisir accumulé au fil des pages, la tension dramatique du roman.

C’est tout de même un formidable moment de réflexion, d’aventure, et d’immersion dans la lecture !


Résumé de l’éditeur :

2084. Orwell est loin désormais. Le totalitarisme a pris les traits bonhommes de la social-démocratie. Laquelle ? La nôtre. Souriez, vous êtes gérés ! Le citoyen ne s’opprime plus : il se fabrique. À la pâte à norme, au confort, au consensus. Copie qu’on forme, tout simplement.

Au cœur de cette glu, un mouvement, une force de frappe, des fous : la Volte. Le Dehors est leur pays, subvertir leur seule arme. Emmenés par Capt, philosophe et stratège, le peintre Kamio et le fulgurant Slift que rien ne bloque ni ne borne, ils iront au bout de leur volution – et même au-delà, jusqu’à construire cette vie de partage, rouge, que personne ne pourra plus leur délaver.


– Parce que j’ai compris alors à quel point vous étiez libres. Personne n’est aliéné, ce n’est pas vrai. Il n’y a pas d’aliénation ! Ce n’est pas le critère qui décide de la valeur des vies qu’on mène. Le vrai critère, c’est la vitalité. C’est être capable de bondir, de s’arracher sans cesse à soi-même pour créer, s’accroître, devenir autre, et autre qu’autre, sans cesse. Sentir le neuf. « Qui ne sent pas la bombe cuite et le vertige comprimé n’est pas digne d’être vivant », a dit Artaud. Je voudrais bâtir un monde qui sente la bombe crue et le vertige de vivre – et que vous le bâtissiez avec nous…

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